mercredi 27 octobre 2010

Problème technique

Bonjour à tous,

Désolée, mon dernier billet a été publié sur ce site avant les 2 billets qui précèdent (ça semble un paradoxe). Donc, pour trouver "James Bond et la force centrifuge", cliquez ici!

samedi 23 octobre 2010

Repérez la conception alternative!

Question-quiz pour vous, m'sieurs-dames! Saurez-vous repérer la conception alternative dans l'extrait suivant de "Six Easy Pieces", du prof Richard Feynman, de CalTech? Deux morceaux de robot pour le premier/la première qui débusque la conception alternative et qui l'indique dans un commentaire!

"Plants have neither nerves nor muscles, but they are working, they are alive, just the same. So for the fundamental problems of biology we must look deeper; when we do, we discover that all living things have a great many characteristics in common. The most common feature is that they are made of cells, within each of which is complex machinery for doing things chemically. In plant cells, for example, there is machinery for picking up light and generating sucrose, which is consumed in the dark to keep the plant alive. When the plant is eaten the sucrose itself generates in the animal a series of chemical reactions very closely related to photosynthesis (and its opposite effect in the dark) in plants.

In the living systems there are many elaborate chemical reactions, in which one compound is changed into another and another. To give some impression of the enormous efforts that have gone into the study of biochemistry, the chart in Fig. 3-1 summarizes our knowledge to date on just one small part of the many series of reactions which occur in cells, perhaps a percent or so of it.

Fig. 3-1 The Krebs cycle

Here we see a whole series of molecules which change from one to another in a sequence or cycle of rather small steps. It is called the Krebs cycle, the respiratory cycle. Each of the chemicals and each of the steps is fairly simple, in terms of what change is made in the molecule, but - and this is a centrally important discovery in biochemistry - there changes are relatively difficult to accomplish in a laboratory. If we have one substance and another very similar substance, the one does not just turn into the other, because the two forms are usually separated by an energy barrier or "hill". Consider this analogy: If we wanted to take an object from one place to another, at the same level but on the other side of a hill, we could push it to the top, but to do so requires the addition of some energy. Thus most chemical reactions do not occur, because there is what is called an activation energy in the way. In order to add an extra atom to our chemical requires that we get it close enough that some rearrangement can occur; then it will stick. But if we cannot give it enough energy to get it close enough, it will not go to completion, it will just go part the way up the "hill" and back down again."
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Référence
Feynman, R. (1995). Six easy pieces: Essentials of physics explained by its most brilliant teacher. New York, NY: Basic Books. (Ouvrage original publié en 1963).

Idées reçues sur les causes du cancer

Le célèbre Bruce Ames a écrit un article très intéressant, en 2002, sur les idées reçues sur les causes du cancer. À notre époque où les livres sur la prévention du cancer se multiplient, il est pertinent de revenir à la science pour éviter de se laisser enfirouâper par le premier charlatan venu. Voici un résumé des idées principales de l'article "Misconceptions About the Causes of Cancer", par Lois Gold, Bruce Ames etThomas Slone, tous trois de l'université Berkeley.

Idée reçue #1: Les taux de cancer montent en flèche.
En fait, ils diminuent systématiquement depuis les années 50, notamment à cause de la diminution du tabagisme.

Idée reçue #2: Les composés synthétiques dans l'environnement sont une cause importante de cancer chez l'humain.

Les composés synthétiques sont très peu abondants, en comparaison des vastes quantités de molécules entièrement naturelles qui nous entourent. Les études sur le potentiel cancérogène des composés, aux niveaux de concentration tels qu’on les retrouve dans l’environnement, sont souvent contradictoires, les corrélations établies sont faibles et elles mettent souvent de côtés les facteurs de confusion comme les habitudes de vie.

Idée reçue #3: Réduire la présence de résidus de pesticides est un moyen efficace de réduire les cancers reliés à l'alimentation.

Les pesticides permettent la culture des fruits et légumes, qui sont reconnus pour faire diminuer le risque de cancer. Ainsi, il faut utiliser des pesticides en agriculture. Et s’il en reste sur les fruits et légumes qu’on mange, l’effet bénéfique de l’aliment annulera l’éventuel effet nocif des résidus de pesticides.


Idée reçue #4: L'exposition humaine à des cancérogènes et autres composés dangereux est surtout due à des composés chimiques synthétiques.
La majorité des molécules potentiellement cancérogènes que nous absorbons sont produites naturellement comme système de défense par les fruits et légumes de notre alimentation. Et de toute façon, rien n’est plus naturel que la lumière du soleil, n’est-ce pas? Toutefois, ses rayons UV sont nettement plus cancérogènes que les petites quantités de produits synthétiques avec lesquelles on entre en contact chaque jour.

Idée reçue #5: Le risque de cancer chez les humains peut être établi par des expérimentations standards à haute dose chez les animaux.
Pour établir le potentiel cancérogène d’un produit chimique, on expose des animaux – le plus souvent, des rongeurs – à des concentrations extrêmement élevées de ce produit. Si on détecte ensuite des mutations chez le rongeur, on peut se demander si ces mutations se seraient produites si on avait mis des quantités raisonnables, comme celles auxquelles les humains sont exposés dans l’environnement.

Idée reçue #6: La toxicologie des produits chimiques synthétiques est différente de celle des produits naturels.
Ce n’est pas parce que les humains ont évolué en ayant autour d’eux des « produits naturels » que leur système de défense est plus efficace contre ces molécules que contre les molécules synthétiques, dont l’apparition est plus récente dans leur environnement. Les mécanismes biochimiques responsables de la défense du système contre un produit naturel ou un produit synthétique sont les mêmes. Ainsi, les produits naturels peuvent être aussi dommageables que les produits synthétiques.

Idée reçue #7: Les produits chimiques synthétiques posent de plus grands risques cancérogènes que les produits naturels.
Il y a plus de produits synthétiques que de produits naturels qui ont été identifiés comme cancérogènes, après expérimentation à haute dose chez les rongeurs. Ce n’est pas nécessairement parce qu’ils sont plus dangereux, c’est simplement parce que presque la totalité des tests de cancérogénicité ont été faits pour des produits synthétiques. Les produits naturels ont été laissés de côté, notamment à cause d’une idée répandue selon laquelle la Nature est gentille et pacifique.

Idée reçue #8: Les pesticides et autres produits chimiques synthétiques perturbent les hormones.
Certains pesticides ont uns structure moléculaire qui imite la structure d’hormones comme les estrogènes. À cause de cette ressemblance, on entend que les pesticides peuvent perturber les mécanismes contrôlés par les hormones chez l’humain, comme la numération des spermatozoïdes. Toutefois, l’exposition aux traces des résidus d’estrogènes organochlorés est minuscule en comparaison de l’apport normal des composés modifiant le système endocrinien naturellement présents dans les fruits.

Idée reçue #9: La réglementation des risques hypothétiques et faibles est efficace pour l'amélioration de la santé publique.

Les montants d’argent public consacrés à la réglementation des composés chimiques synthétiques pourraient être mieux investis en santé publique, afin de répondre à des risques plus sérieux pour la santé publique.

mercredi 20 octobre 2010

James Bond et la force centrifuge

En attendant la réponse à mon avant-dernier billet - je vous laisse le temps de réfléchir encore un peu! - voici un petit intermède ludique...

J'aime beaucoup le site xkcd.com et ses excellentes bédés. Le "disclaimer" du site est très bon aussi:

"Warning: this comic occasionally contains strong language (which may be unsuitable for children), unusual humor (which may be unsuitable for adults), and advanced mathematics (which may be unsuitable for liberal-arts majors)."

(Haha!)

Pour vous ce soir, le comic #123. Vous saurez l'apprécier!



Regardez aussi attentivement la page d'accueil, le texte écrit en tout petit-tout petit, au bas de la page. Il est fou, ce garçon!

N'oubliez pas mon avant-dernier billet, et à une prochaine fois!

De l'eau qui s'évapore - RÉSULTATS

Je vous parlais dans mon dernier billet d'une question impliquant de l'eau qui s'évapore. J'y réponds maintenant, alors faites gaffe! Si vous n'avez pas lu le billet précédent, je me dois de vous avertir: SPOILER ALERT!


Image: http://www.robertcampbellphotography.com/


Faisons d'abord un rappel de la question d'hier... Si l'eau contenue dans le récipient de gauche s'évapore, que pourrez-vous voir dans la section grossie du récipient de droite?


Dans le cercle a., on voit une représentation de molécules d'oxygène et d'hydrogène. Il faudrait, pour passer de l'eau aux gaz "hydrogène" et "oxygène", briser les molécules d'eau. C'est possible, mais ça ne se produit pas lors de l'évaporation de l'eau. Les atomes d'oxygène et d'hydrogène sont simplement liés trop fortement ensemble pour se séparer spontanément. Heureusement, sinon on aurait de l'hydrogène gazeux (un explosif) et de l'oxygène gazeux (un comburant) au-dessus de notre bouilloire chaque fois qu'on se prépare du thé. Comme disait quelqu'un, faudrait pas fumer au-dessus de ça!

Dans le cercle b., on voit 2 molécules d'eau, 2 molécules d'hydrogène et 1 molécule d'oxygène. Pour la même raison qu'en a, cette représentation n'est pas correcte. Aucune molécule d'eau ne se convertit en hydrogène et oxygène gazeux durant l'évaporation.

Dans le cercle c., aucune particule n'est dessinée. Cette représentation non plus n'est pas correcte. En effet, un gaz, même s'il est invisible, est néanmoins composé de particules. Un gaz, c'est de la matière. Toute matière est composée de particules. C'est la théorie atomiste!

Dans le cercle d., on voit des atomes d'hydrogène et des atomes d'oxygène indépendants. Deux problèmes: comme j'ai déjà expliqué, il n'y a pas de bris des liaisons dans la molécule d'eau quand celle-ci quitte la phase liquide pour s'évaporer. Le deuxième problème est plus grave: cette représentation suggère que des atomes d'oxygène et d'hydrogène peuvent exister indépendamment dans la nature. Ce n'est pas le cas. Tous les deux existent toujours sous forme de molécules. Les molécules peuvent être élémentaires, comme la molécule d'hydrogène composée de 2 atomes d'hydrogène, ou encore être des composés, comme la molécule d'eau, composée de deux types d'atomes différents (H et O). Les seuls éléments qui existent sous forme d'atomes indépendants sont les gaz rares, comme l'hélium, le néon, l'argon, etc.

Dans le cercle e., on voit des molécules d'eau, certes moins nombreuses que dans le dessin de l'eau liquide, mais ayant la même forme et la même composition. C'est la bonne réponse. L'eau, sous forme liquide ou sous forme de vapeur, est toujours constituée des mêmes particules. Ces particules, ce sont les molécules d'eau. Une molécule est une entité discrète, pouvant grouper plusieurs atomes, et qui reste intacte lors des processus comme l'évaporation. Si les molécules d'eau sont moins nombreuses dans la vapeur, c'est que la matière gazeuse est moins dense que la matière liquide. Il y a moins de particules par unité de volume.

Cette question a fait l'objet d'un test auprès d'élèves de première année de cégep en sciences de la nature et d'étudiants universitaires en première année au bacc en enseignement des sciences. Les résultats, compilés par Jesús Vázquez, sont présentés ici:

On remarque que les élèves du cégep, en vaste majorité, croyaient que la réponse d. était la bonne. C'est un résultat typique: les élèves ont de la difficulté à faire la différence entre les processus qui brisent les liaisons entre les atomes d'une molécules et ceux qui ne les brisent pas - comme l'évaporation, par exemple. Pour briser les liaisons à l'intérieur d'une molécule, il faudrait fournir beaucoup d'énergie, parce que ce sont des liaisons très fortes, très solides. Pour briser les liaisons entre les atomes d'hydrogène et l'atome d'oxygène, il faudrait faire ce qu'on appelle l'électrolyse de l'eau, soit passer un courant électrique dans l'eau. C'est un effort plutôt violent, en comparaison de simplement laisser une flaque d'eau sécher, n'est-ce pas?

Il y avait aussi un 2e niveau à ma question.

Choisissez ensuite une raison pour votre choix:

1) L’évaporation donne de la vapeur, constituée d’oxygène et d’hydrogène.
2) L’évaporation est le processus par lequel les molécules de liquide gagnent de la chaleur pour se transformer chimiquement. La réaction peut être complète ou incomplète.
3) Un gaz est constitué de la même substance que le liquide dont il provient.
4) Un gaz est un composé très léger qui n’est pas constitué de particules.


Voici les résultats au 2e niveau, pour le même échantillon:

Choix de ............. Raison 1 ....... Raison 2 ....... Raison 3*....... Raison 4
réponse
_________________________________________________________
a
...............................4 ....................1 .................... 0..................... 0
b .............................. 1
.................... 5 .....................0..................... 0
c ...............................0 .....................1..................... 2 .....................0
d .............................. 10 ...................7 .....................1 .....................0
e*.............................. 0 .................... 1 ....................20 ...................0

_____________
* Réponse correcte.

La raison correcte, "Un gaz est constitué de la même substance que le liquide dont il provient",
a été choisie par la presque totalité des élèves et étudiants qui avaient la bonne réponse.

Les "cas intéressants", du point de vue de la recherche éducative, peuvent être classés dans deux grandes catégories:
-Les élèves qui n'ont simplement pas la bonne réponse;
-Les élèves qui ont la bonne réponse, mais pas la bonne raison (ici, 1 seul étudiant universitaire).

Il est ensuite pertinent de découper les élèves de la première catégorie afin de voir les combinaisons "réponse/raison" qui expliquent un peu pourquoi ils n'ont pas la bonne réponse. L'intervention éducative à planifier n'est pas la même pour un élève qui répond "a/1" (la molécule d'eau s'évapore pour donner de l'hydrogène et de l'oxygène moléculaires) que pour celui qui répond "d/1" (la molécule d'eau s'évapore pour donner de l'hydrogène et de l'oxygène sous forme d'atomes libres).

Si vous avez envie de vous amuser, et que vous êtes plutôt bon en analyse de données, pourriez-vous me conseiller une façon d'analyser mes résultats? J'aurais environ 10-12 questions comme celle présentée ici, et à chaque question une "matrice" de patrons de réponse. (C'est dans ces moments-là que j'espère que Michel lit mon blogue... :P)

J'espère ne pas vous avoir assommé avec ce long billet. Demain, ce sera moins sérieux!

mardi 19 octobre 2010

De l'eau qui s'évapore

J'ai une question quiz pour vous, ce soir.

Le cercle dans la portion gauche du schéma montre une très petite portion d'eau liquide dans un contenant fermé (vous pouvez cliquer sur l'image pour l'agrandir).

Qu'est-ce que la vue grossie montrerait après l'évaporation de l'eau?

Choisissez ensuite une raison pour votre choix:

1) L’évaporation donne de la vapeur, constituée d’oxygène et d’hydrogène.
2) L’évaporation est le processus par lequel les molécules de liquide gagnent de la chaleur pour se transformer chimiquement. La réaction peut être complète ou incomplète.
3) Un gaz est constitué de la même substance que le liquide dont il provient.
4) Un gaz est un composé très léger qui n’est pas constitué de particules.

Réponse, analyse et résultats d'universitaires et de cégépiens à la même question demain!

jeudi 14 octobre 2010

Paris est la capitale de la France

Mes préoccupations à propos de l'enseignement sont nombreuses. Je me questionne beaucoup sur ce que je fais en classe. J'ai en particulier le grand complexe du cours magistral. Nous, les profs qui avons une reçu formation en pédagogie, mais qui continuons à donner des cours magistraux malgré ce qu'on nous a appris, avons certainement tous ce complexe, à différents degrés.

Ce qui fait que lorsque je lis des articles en sciences de l'éducation, ma lecture est souvent interrompue de longs moments de réflexion professionnelle. Est-ce que je fais ça comme ça? Est-ce que je devrais plutôt faire ceci ou cela? L'un dans l'autre, ça me prend un temps fou à finir de lire un article. D'autant plus qu'aujourd'hui, c'est à propos d'un article "en cours de lecture" que j'ai envie de vous entretenir. Je pose ma lecture un instant...

Apprendre ce qu'est Paris

Prenons l’exemple de la connaissance déclarative suivante : Paris est la capitale de la France. Imaginons qu’un enseignant doive faire apprendre cette connaissance à ses élèves. Il peut leur dire : « Les enfants, la capitale de la France, c’est Paris ». Si les enfants ne le savaient pas avant, et qu’ils parviennent à bien répondre ensuite à la question d’examen « Quelle est la capitale de la France ? », alors on peut considérer qu’ils ont fait un apprentissage.

Aaah! Paris! La capitale de la France!

Toutefois, il est possible que cet apprentissage par cœur ne soit en fait seulement qu'une réponse de type réflexe : le stimulus de la question (« capitale »… « France »…) a peut-être mené les élèves à répondre par cœur « Paris » sans trop comprendre ce qu’ils répondaient.

L’enseignement n’est pas intéressé intrinsèquement à faire apprendre par cœur. On souhaite que les apprentissages réalisés fassent du sens pour les élèves. Mais comment l’apprentissage de « Paris est la capitale de la France » peut-il faire sens?

Pour cela, il faut d’abord que les élèves connaissent le concept de pays, et reconnaissent que la France est un pays. Ils doivent aussi comprendre ce qu’est une ville, ce qu’est une grande ville, et ce qui fait la distinction entre une grande ville et une capitale. Seulement alors, la phrase « Paris est la capitale de la France » peut faire du sens pour les élèves qui l’apprennent.

Bien sûr, l’exemple est simple. Ce ne sont pas des connaissances de cet ordre qui posent problème en classe. Mais conservons quand même l’exemple et poursuivons l’analogie, pour examiner quelques problèmes qui pourraient avoir lieu, avec ce cas de figure.

Imaginons qu’un élève pensait, avant le cours, que Paris était le nom d’un héros légendaire de la guerre de Troie. Que va-t-il faire de la nouvelle connaissance qui lui est proposée, soit que Paris est plutôt (aussi) une capitale?

Statue du héros Pâris, au British Museum.

Et que fera cet autre élève, qui vient de l'Ontario, qui croyait que Paris était le nom d’une petite ville de sa province natale? Cet élève pourrait potentiellement apprendre que Paris (la ville d'Ontario) est la capitale de la France. Il trouvera certainement étrange que les Français aient choisi une ville canadienne comme capitale, mais peut-être répondra-t-il correctement à la question d’examen. En fait, il aurait possiblement plus de chances que ses camarades de classe d'y répondre correctement, parce que ce fait étrange l’aurait impressionné et il s’en souviendrait facilement.

Paris, Ontario.

Un élève peut démontrer qu'il possède la connaissance que Paris est la capitale de la France, mais en même temps ne pas partager la connaissance de son prof sur la même notion. Vous reconnaissez le concept: les élèves développent alors une conception alternative.

Avez-vous déjà réalisé que vos élèves ne comprenaient pas la même chose que vous, pendant un cours? Ou alors, vous souvenez-vous d’expériences semblables du temps où vous étiez vous-mêmes élèves? Racontez-moi vos souvenirs!

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"Apprendre ce qu'est Paris", adapté de Taber, K. (2010) Constructivism and Direct Instruction as Competing Instructional Paradigms : An Essay Review of Tobias and Duffy’s Constructivist Instruction : Success or Failure? Education Review, 13(8).

mardi 12 octobre 2010

La convergence évolutive

En biologie
Vous connaissez le concept de la convergence évolutive? Il s'agit d'un
concept de la théorie de l'évolution selon lequel des espèces vivantes qui ne sont absolument pas apparentées peuvent néanmoins avoir développé, indépendamment et dans des régions très éloignées, des caractères phénotypiques ou morphologiques semblables.

Prenez par exemple le porc-épic et l'échidné. On remarque tout de suite le caractère morphologique semblable, les piquants.

Toutefois, le porc-épic est un rongeur, alors que l'échidné est un monotrème. Aucun lien entre les deux; les deux ordres (rongeurs et monotrèmes) sont séparés depuis plus longtemps que l'arrivée de ces deux bêtes. Et bien sûr, ce ne sont pas tous les rongeurs qui ont des piquants (au contraire, pensons au rat, au castor, à l'écureuil, qui sont tous des rongeurs). Même chose pour les monotrèmes: en fait, c'est un ordre très rare d'animaux, qui ne compte que 2 familles et seulement 5 espèces toujours vivantes (dont le bizarre orthithorynque).

Tout ça pour dire que le caractère "posséder des piquants" est apparu indépendamment chez des animaux par ailleurs non apparentés. C'est le principe de la convergence évolutive: un caractère efficace pour se défendre contre les prédateurs était en fait suffisamment efficace pour être sélectionné DEUX fois par la sélection naturelle.

En anthropologie
La convergence évolutive est un concept aussi appliqué - par extension - en anthropologie. En effet, certains comportements humains de sociétés très éloignées dans le temps et/ou dans l'espace sont bizarrement semblables.

Prenons le cas de l'atlatl, ce lance-javelot aztèque.

Schéma représentant l'utilisation d'un atlatl, soit un lance-javelot aztèque. Remarquez que dans ce dessin, un javelot est posé sur l'atlatl. L'atlatl restera dans la main de l'homme une fois le javelot lancé.

Les aborigènes australiens ont aussi développé un lance-javelot semblable, dont voici la photo d'un exemplaire présenté au Sydney Australian Museum, que j'ai visité l'été dernier.

On parle de convergence évolutive entre ces deux peuples, qui ont tous les deux développé indépendamment un lance-javelot dont le principe et l'utilisation sont très semblables. D'ailleurs, d'autres cultures ont aussi utilisé un outil semblable, dont les Inuits à une époque relativement rapprochée.

Question: En physique
L'utilisation du lance-javelot est justifiée par le fait qu'il permet de lancer un javelot plus loin que si on le lançait seulement avec son bras. Quel(s) principe(s) de mécanique explique(nt) ce fait? J'attends vos réponses à ce mystère physique! Réponse plus tard cette semaine...


Merci à Jesús pour la question, qui faisait partie d'un devoir de son cours, cette session-ci!

lundi 11 octobre 2010

Le chat de Schrödinger

J’en ai une bonne pour vous autres : c’est une fois le chat de Schrödinger qui entre dans un bar… et qui n’entre pas.

LOL, n’est-ce pas? Non?

Voici un argument puissant en faveur d’apprendre la science : pour comprendre les blagues de scientifiques. Aujourd’hui, les enfants, vous comprendrez celle du chat de Schrödinger.

Mais pourquoi ne pas laisser le Dr Sheldon Cooper, de la délicieuse sitcom The Big Bang Theory (réseau CBS, le jeudi à 20h00), donner une explication de cette notion? La vidéo dure un petit quatre minutes, je vous recommande de l’écouter au complet :D

Alors, que pouvons-nous en retenir? Le chat de Schrödinger est d’abord une expérience de pensée, une « thought experiment », quoi. Aucun chat n’a jamais été placé dans une boîte par Schrödinger. À ma connaissance, Erwin Schrödinger ne possédait pas de chat.

L’histoire se passe au début du vingtième siècle, une époque fertile pour la recherche en physique, notamment grâce à la découverte d’un stupéfiant outil d’investigation de la nature la plus intime de la matière : la radioactivité (par Henri Becquerel en 1896 et confirmé par Marie Curie, 1898).


Conférence Solvay, 1927. Sur cette photo, 17 des 29 personnes ont reçu ou recevront un prix Nobel.

Erwin Shrödinger était un physicien allemand, qui allait fuir l’Allemagne pendant la guerre pour se réfugier en Angleterre. Déjà en 1926, il avait proposé un nouveau modèle de l’atome, le modèle probabiliste. En effet, depuis Schrödinger, l’atome n’est plus constitué d’électrons qui gravitent autour d’un noyau. Le modèle de Schrödinger pense plutôt les électrons comme des ondes qui occupent l’espace autour du noyau.

[C’est plutôt capoté, tout ça, mais si vous voulez des infos supplémentaires, venez à mon cours de demain (mardi le 12 octobre) de 12h à 15h, c’est exactement de ça dont je parlerai.]

Une implication du nouveau paradigme de la mécanique quantique impliquait un apparent paradoxe : en effet, cette interprétation des nouvelles théories en développement, qu’on appela l’école de Copenhague, voulait que les particules puissent être à la fois dans deux états qui paraissaient absolument incompatibles.

Prenons l’exemple du spin de l’électron. Ce concept peut être simplifié en imaginant l’électron comme une minuscule toupie. Le spin de l’électron peut, dans cette analogie, être modélisé comme étant le sens dans lequel tourne la toupie : soit le sens horaire, soit le sens antihoraire.

Les modèles de la physique quantique, des modèles mathématiques bien entendu, admettent que l’électron peut à la fois avoir un spin positif et un spin négatif, qu’il soit dans les deux états en même temps. Cet état de coexistence des possibilités existerait jusqu’à ce qu’on résolve l’équation de la fonction d’onde, cette fonction qui décrit le comportement de l’électron. La résolution de l’équation impose à l’électron de se décider – si vous me passez l’anthropomorphisme –à avoir un spin positif ou un spin négatif. Après la résolution de l’équation, le paquet d’onde qu’est l’électron est réduit à une seule possibilité : un spin positif ou un spin négatif. Ce phénomène est peut-être mieux connu par la terminologie anglaise : on parle alors du « wave function collapse ». Mais tant qu’on ne résout pas l’équation, l’électron est à la fois de spin positif et de spin négatif.

Ce paradoxe apparent était ridicule aux yeux de Schrödinger : selon lui, un objet ne peut pas être à la fois une chose et son contraire. Une toupie ne peut pas à la fois tourner dans le sens horaire et dans le sens antihoraire. Un chat ne peut pas être à la fois vivant et mort.





C’est pourquoi Schrödinger a imaginé l’expérience du chat dans la boîte, qui peut être tué à un moment aléatoire. Selon cette expérience, tant qu’on n’ouvre pas la boîte, le chat peut être considéré à la fois comme mort et vivant. Bien entendu, c’est ridicule de penser qu’un chat peut être mort et vivant à la fois. C’est ridicule de penser que, tant qu’on ne la regarde pas, une toupie peut tourner à la fois dans le sens horaire et dans le sens antihoraire en même temps.

Ce paradoxe n’était qu’apparent, parce que dans les faits, l’interprétation de Copenhague de la physique quantique était correcte. Mais comment est-ce possible? Sortez votre plus grande capacité d’abstraction et écoutez bien ceci (figurativement) : les particules subatomiques ne se comportent pas comme les objets qui sont à notre échelle. À notre échelle, si on veut partir de la maison et aller au dép, il faut marcher tout le long du chemin et être successivement dans tous les points de l’espace entre l’appart et le dép. À notre échelle, on ne peut pas être à la fois vivant et mort.

Pourtant, pour ce qui est des particules subatomiques, comme on ne peut pas les voir, il faut se contenter des modèles, bien imparfaits, qu’on peut construire pour les représenter. Bien que ces modèles viennent d’observations expérimentales, on ne peut pas observer directement les électrons. On ne peut donc pas avoir une idée précise de leur comportement. Mais selon l’interprétation la plus actuelle de la physique quantique, les particules subatomiques peuvent se déplacer tout d’un coup d’un point A au point B sans passer par l’espace qui les sépare. Et un électron peut avoir en même temps un spin positif et un spin négatif.

En terminant, si vous êtes fan d’Alexandre Astier et de physique quantique, vous ne pouvez pas passer à côté du numéro de stand-up que vous trouverez ici.

À bientôt!