lundi 28 février 2011

Sur la solubilité - Question

Bonjour à tous!

J'ai une sacrée grosse semaine qui se profile à l'horizon, meublée d'analyse de données (merci encore Élaine et René!) et de rédaction de rapport d'étape pour ma subvention - il faut le faire, sinon plus d'argent, plus de recherche, plus d'Avancement De La Science ;) - et passation d'entrevues avec des élèves pour sonder leurs conceptions. Mais je ne peux pas non plus te laisser sécher, toi, Lecteur Assidu!

Ça vous donnera une idée de ce sur quoi je me questionne ces temps-ci, une rapide question de solubilité:

Quelles combinaisons de deux composés parmi les suivants pourraient faire une solution?

a: Eau, H2O
b: Propane-2-one, CH3COCH3
c: Acide palmitique, CH3(CH2)14COOH
d: Acide propionique (ou acide propanoïque), CH3CH2COOH
d: Dichlorométhane, CH2Cl2
e: Éthanol, CH3CH2OH
f: Octan-1-ol, CH3(CH2)6CH2OH
g: Éther diéthylique (ou éthoxyéthane), CH3CH2OCH2CH3

Question de développement: justifiez les combinaisons possibles, discutez des combinaisons impossibles!

(Je viens de voir quelque chose dans mes résultats qui me laisse pensive à ce sujet, je vous en reparle plus tard cette semaine.)

jeudi 17 février 2011

C'est quoi, une molécule?

Pour mes fans (!), quelques résultats de la recherche que je mène présentement sur les conceptions alternatives en chimie au cégep...

Confusion dans les termes
En questionnant les élèves sur différentes notions de chimie – notamment, la structure moléculaire et la polarité des composés – je me suis aperçu que certains d’entre eux utilisaient à mauvais escient des termes qui font pourtant partie du vocabulaire courant de cette discipline. L’apprentissage de la chimie passe bien entendu par l’apprentissage d’une certaine nomenclature; certains chapitres sont d’ailleurs exclusivement destinés à cette fin. Je pense ici bien sûr aux normes pour nommer les composés chimiques (la nomenclature systématique ou traditionnelle), mais aussi à la description exacte des appareils de laboratoire, qui ont tous des noms aussi précis que l'est leur utilisation.

Mais il y a d’autres termes de vocabulaire qui font moins l’objet d’un enseignement systématique. Je pense à mes collègues, qui se disent : « On n’enseigne pas du ‘par cœur’ en chimie, ce qu’on enseigne peut se raisonner, s’appliquer, se pratique ». C’est vrai à bien des égards, mais une certaine partie de ce qu’on veut que nos élèves gardent de leurs premiers pas en chimie, c’est de posséder une base de connaissances qui leur permettra ensuite de poursuivre ou non des études dans le domaine, mais qui au moins leur procurera une culture chimique de base.

Ces termes, ces mots de vocabulaire, qui forment la trame de cette culture chimique de base et permettent aux élèves ensuite de raisonner et de s’exprimer en invoquant les concepts exacts, sont toutefois moins bien maîtrisés que ce qu’on pense. Enfin, c’est ce que j’avance, et voici les preuves à l’appui!

[Les données qui suivent proviennent d’une recherche en cours, menée auprès d’élèves de sciences de la nature du cégep.]

Mauvaise utilisation du terme « molécule »
Pour moi qui m’intéresse particulièrement à la notion de structure moléculaire, soit la forme que les molécules prennent dans l’espace, ma supposition de départ prévoyait que les élèves de cégep connaissaient, maîtrisaient et manipulaient le mot « molécule » de façon correcte. Quelle ne fut pas ma surprise quand j’ai vu un certain nombre, assez conséquent, d’élèves qui semblaient confondre ce mot avec un autre : le mot « atome »!

On pourrait dire que l’atome est à la molécule ce que le cheveu est à la chevelure (haha! Je viens de changer de couleur de cheveux, alors tout m’y fait penser!). Mais cette comparaison a sa pertinence et ses failles; faisons l'exercice, et acceptez svp mes idiosyncrasies!. Un cheveu est fragile, il ne peut pas être brossé, si on le perd on ne s’en aperçoit pas. Mais la chevelure est résistante (pensons au Grand Antonio) et si elle tombe d’un coup, on sera nettement plus inquiet que si on ne perdait qu’un cheveu! On peut dire que l'atome est aussi différent de la molécule que le cheveu l'est de la chevelure, mais certaines propriétés d'un cheveu influencent la chevelure qu'il compose, lorsqu'on le retrouve avec de très nombreux collègues.

Lorsqu’ils sont reliés entre eux par un type de liaison particulier, qu’on appelle liaison covalente, dans une unité discrète, les atomes forment une molécule. Bien que les deux, atome et molécule, sont de taille trop petite pour être observés, on pourrait dire que la molécule est un objet plus proche de ce qu’on peut observer à l’échelle macroscopique que ne le sont les atomes. Les modèles qui décrivent la forme et le comportement des atomes et des molécules sont différents, mais les scientifiques s’accordent à dire que ce sont les propriétés des atomes qui donnent leurs propriétés aux molécules. 

Par exemple, certains atomes attirent plus fortement les électrons que d’autres. Pensons par exemple à l’atome de fluor qui attire plus fortement les électrons que l’atome d’hydrogène. Ainsi, une molécule composée d’un atome de fluor lié à un atome d’hydrogène sera polaire, c’est-à-dire que le côté du fluor aura une charge partielle négative (conférée par les électrons qui se retrouvent délocalisés vers le fluor) et que le côté de l’hydrogène sera partiellement positif (à cause d’un certain manque d’électron).

On dit d’un atome qui attire fortement les électrons dans une molécule qu’il est électronégatif. La conséquence sur une molécule comme le fluorure d’hydrogène est que la molécule sera dite polaire.
Toutefois, un des élèves que j'ai questionnés a écrit dans une de ses réponses : « De plus, le O en fait une molécule très électronégative. » C’est une confusion dans les termes : l’oxygène est très électronégatif, ce qui fait que la molécule est polaire. Une molécule n’est pas électronégative…

Un autre élève a dit, pour expliquer la forme que la molécule de IF5 adoptait : « Parce qu’elle a cinq groupements de molécules ». Cet élève aurait dû dire que l’atome d’iode (I) était entouré de cinq atomes de fluor, pas de cinq molécules de fluor.

Dans le même sens, pour parler de la molécule de SOCl2, un élève explique « Les deux molécules de Cl peuvent seulement effectuer une liaison chacune ». Encore une fois, il voulait parler des atomes de Cl, et non des molécules de Cl.

On pourrait avancer qu’il ne s’agit ici que d’erreurs d’inattention, que les élèves ont écrit « molécule » alors qu’ils voulait écrire « atome », mais comme c’est une observation qui est récurrente chez plusieurs élèves différents, la thèse de l’erreur d’inattention ne tient pas vraiment la route.

Plus éloquent, cet élève qui utilise deux fois le mot molécule, une fois de façon correcte, et plus loin dans la même phrase, en le confondant avec le concept d’atome : « Car, dans une molécule de glucose, il y a 24 molécules […] ». Cette phrase est un contre-sens; c’est comme dire que dans un épi de maïs, il y a plusieurs épis… Un autre élève manifeste la même confusion : « Molécule=plusieurs molécules ensembles [sic] tandis que c et d est un composé ionique. »

Le concept de molécule est-il compris?
Ces observations du vocabulaire invoqué dans les explications est révélateur d’un certain problème d’apprentissage. Mais qu’en est-il lorsque les élèves ont directement à travailler sur une tâche qui leur demande de différencier une molécule d’un autre concept? Manifestent-ils toujours cette confusion?
La question suivante a été posée à 11 élèves :

Les résultats à cette question sont assez parlants :

Seulement 18 % de l’échantillon, soit 2 élèves, a répondu que a et b uniquement représentaient des molécules. La majorité des élèves a plutôt pensé que toutes ces représentations étaient des molécules. Toutefois, le schéma c montre un composé ionique, soit un réseau d’espèces chimiques qu’on appelle des ions liés par des liaisons ioniques, formant un réseau continu plutôt qu’une unité discrète. Ce n’est donc pas une molécule, et ce pour deux raisons : il n’est pas constitué par des liaisons covalentes, et il adopte une structure continue. Le schéma d montre une espèce plutôt inexistante, soit une unité discrète de deux éléments qui ne forment pas des liaisons covalentes. Il fallait reconnaître que ce n’étaient pas des éléments qui forment des liaisons covalentes, donc c’est un peu plus épineux! Toutefois, la distribution des réponses montre que les élèves ne se sont pas posé la question à ce niveau, car leurs justifications tournent toutes autour de la même raison :
« Tous sont des molécules car une molécule est un regroupement d’au moins deux atomes. »
« Une molécule est constituée de 2 ou plusieurs atomes. »
« Elles représentent toutes des molécules car plusieurs atomes sont liés ensembles [sic] par des liaisons. »
« Car ce sont des assemblages d’atomes. »
« Car, cessons [sic] des ensembles d’atomes regroupés qui forment des molécules. »

Éloquent, n’est-ce pas? Une molécule a trois caractéristiques, mais les élèves n’en ont intégrée qu’une seule :
  • Une molécule est un regroupement d’atomes…
  • … liés entre eux par des liaisons covalentes…
  • … dans une unité discrète.
Quelle conséquence sur l’apprentissage de la chimie?
On peut imaginer une tâche qui nécessiterait la compréhension de la distinction fondamentale entre les concepts d’atome et de molécule, pour mettre en lumière l’impact de les confondre. Pour cela, il faut savoir à quoi sert le concept de molécule, dans quel contexte on doit bâtir notre explication d’un phénomène en parlant des molécules.
Un exemple serait le changement de phase d’un composé. J’ai déjà parlé dans un billet précédent de l’évaporation de l’eau, qu’on modélise au niveau submicroscopique. Je me permets de revenir sur cette question ici, parce que je crois avoir de nouveaux lecteurs qui ne se sont peut-être pas attelés à la tâche de lire tout mon verbiage précédent. La question était la suivante :

Cette question a été répondue, durant la dernière année, par trois échantillons d’élèves ou d’étudiants :
  • Un groupe (26 élèves) de première année de sciences de la nature, au tout début du premier cours de chimie (chimie générale).
  • Un échantillon (11 élèves) de deuxième année de sciences de la nature, au tout début du cours de chimie organique (4 élèves) ou du cours de projet de fin d’études (7 élèves).
  • Un groupe (27 étudiants) de première année du baccalauréat en enseignement des sciences et technologies, au tout début d’un cours de première session.
Les résultats, que je vous laisse digérer vous-mêmes, se distribuent comme suit…

J'aimerais que vous me fassiez part de vos commentaires à ce propos, ou à propos d'autre chose, hein, comme vous le sentez!
Bonne fin de journée, à la prochaine!

jeudi 10 février 2011

L'eau s'évapore à température de la pièce - RÉPONSES

Je termine les réponses aux questions d'ébullition dès maintenant. Il restait à traiter de la question 2, que je vous rappelle à l'instant:
Question 2
De l'eau laissée à température de la pièce finit par s'évaporer, même si la température est toujours inférieure à la température d'ébullition de l'eau. Quel énoncé parmi les suivants explique le mieux ce phénomène? Expliquez votre réponse.
a.       Les molécules d'eau finissent par se décomposer en oxygène et en hydrogène gazeux lorsqu'on leur laisse assez de temps.
b.      Les molécules d'eau ayant suffisamment d'énergie cinétique quittent la phase liquide.
c.       Les molécules d'eau sont entraînées en vapeur par les molécules d'air au-dessus de l'eau liquide.
d.      Les collisions entre les molécules d'eau et les parois du contenant donnent l'énergie suffisante à l'eau pour s'évaporer.

Les résultats des élèves (11 élèves) se distribuent comme suit:

La seule réponse correcte est celle qui invoque la définition même de la température : la température, c’est une mesure moyenne de l’énergie des molécules qui constituent un corps. Étant donné que c’est la moyenne, ça veut dire que certaines molécules ont plus d’énergie que d’autres. On se souvient (parce que je l’ai expliqué hier!) que les molécules sont retenues en état liquide par l’intensité des liaisons intermoléculaires qu’elles font avec leurs voisines. Quand elles ont suffisamment d’énergie pour s’agiter tellement qu’elles brisent leurs attaches et se défont de la masse de leurs voisines, elles s’évaporent. Dans un corps, à toute température, il y aura toujours des molécules qui ont suffisamment d’énergie pour s’évaporer.

Le choix de réponse c) est incorrect : l’eau s’évapore même s’il n’y a pas d’air! En réalité, elle s’évapore même mieux s’il n’y a pas d’air. C’est juste une question d’espace disponible, s’il n’y a pas de gaz au-dessus d’un liquide, les molécules de ce liquide ont toute la place pour s’évaporer. Ceux parmi vous qui avez déjà fait une filtration sous vide (avec entonnoir Büchner) dont le filtre s’est bloqué l’avez même observé : le solvant se met à bouillir dans la fiole, même si la température reste basse.

Le choix de réponse d) est tout aussi incorrect. Il y a effectivement des collisions entre toutes les molécules de l’eau, entre les molécules d’eau et les parois du contenant, etc. Mais ce sont en moyenne des collisions élastiques, où aucune énergie n’est gagnée et aucune énergie n'est perdue. La preuve, c’est que la température de l’eau ne change pas. Si les molécules gagnaient de l’énergie en se frappant contre les parois, leur vitesse augmenterait, donc la température de l’eau augmenterait aussi. Si, au contraire, ces collisions leur faisaient perdre de l’énergie, l’eau refroidirait.

Le choix de réponse a) n’a été choisi par personne. Ce serait bien évidemment incorrect de penser que l’eau se décompose en hydrogène et oxygène en s’évaporant. Mais je suis étonnée que personne n’ait invoqué cette réponse, étant donné que plusieurs élèves (des élèves différents, par contre) avaient répondu sensiblement en ce sens à la question sur la « vue grossie » de l’eau après évaporation et aussi à la question dont je parlais hier, sur la température d’ébullition de l’éthanol. C’est un résultat qui me reste à creuser!

Voici quelques exemples de justification des élèves, pour chacun des choix:

Choix b (réponse correcte): "La température d’ébullition est la température nécessaire pour que la majorité des molécules aient assez d’énergie pour changer de phase. Cependant, il peut arriver que cela se produise avant."

Choix c (molécules d'eau entraînées en vapeur par les molécules d'air): "Ce sont les molécules d’air qui permettent l’adhésion des molécules d’eau qui deviennent par la suite de la vapeur d’eau." Commentaire: il semblerait que cette personne ait invoqué les forces intermoléculaires (entre l'eau et l'air) pour justifier le passage de liquide à vapeur. Les forces intermoléculaires peuvent expliquer certains cas de mise en solution, mais certainement pas d'évaporation, notamment parce que ces forces sont très faibles entre les molécules en phase gazeuse. De plus, les molécules d'air sont non-polaires (O2, CO2, N2) alors que l'eau est très polaire. Cette "adhésion" invoquée ne risque pas de se produire.

Choix d (collisions donnent l'énergie suffisante): "L’énergie est libérée lorsque des molécules s’entrechoquent." Commentaire: si de l'énergie était libérée par les collisions, les molécules perdraient cette énergie, donc auraient certainement moins de chance de passer en phase vapeur.

En faisant quelques recherches d'images pour agrémenter mon blogue, j'ai trouvé ce bel exemple d'une illustration du phénomène d'évaporation qui peut causer le développement de conceptions alternatives dans la structure cognitive des apprenants. Saurez-vous les identifier? Mes plus fidèles lecteurs, ceux qui me suivaient déjà du temps où j'étais en Australie, vont certainement se souvenir de ce dont je discutais à l'époque! J'y reviendrai, en attendant, faites-moi part de vos observations dans les commentaires!



Quelles caractéristiques de cette illustration peuvent favoriser le développement de conceptions alternatives?

mercredi 9 février 2011

Ébullition du méthanol et de l'éthanol - RÉPONSES

Je rappelle la question d'entrée de jeu:

Question 1
La température d’ébullition du méthanol (CH3OH) est de 64,7 °C.  Celle de l’éthanol (CH3CH2OH) est plus élevée, soit de 78,5 °C.  Pourquoi y a-t-il une différence entre les deux, et pourquoi la température d’ébullition de l’éthanol est-elle plus élevée?  

Section théorique : l’éthanol et le méthanol
Pour donner une idée à ceux qui ne sont pas familiers avec ces substances pures que sont l’éthanol et le méthanol, sachez qu’on les retrouve dans des produits de la vie quotidienne. L’éthanol, c’est l’alcool qu’on boit, celui qu’on retrouve à 5 % dans la bière, à 40 % dans la vodka. De l’éthanol pur (à 100 %), ça n’existe pas vraiment sur le marché. On peut par contre trouver de l’alcool à 94 % dans les SAQ. Ça doit être très mauvais, avec un goût trop fort; c’est principalement utilisé pour faire des cocktails. De l’éthanol à 95 % est communément utilisé en laboratoire, comme solvant (en chimie) ou comme agent stérilisateur (en microbiologie). On trouve aussi de l’éthanol à 99 %, utilisé en laboratoire également.
Note en passant : dans presque tous ces cas, l’éthanol est en solution dans de l’eau, qui compte pour le reste du pourcentage volumique indiqué sur les étiquettes. Parfois, les solutions d’éthanol contiennent aussi d’autres composés que l’eau, notamment des composés aromatiques (pensons à la bière, qui a un goût et une couleur attribuables  à ces molécules supplémentaires en solution).



Quant au méthanol, qui a un nom et une formule chimique très semblables à ceux de l’éthanol, c’est ce qu’on appelle communément l’alcool de bois. On le retrouve presque pur (avec un peu de colorant bleu!) dans le liquide à fondue et le liquide lave-glace pour l’hiver. C’est un composé très toxique : quelques millilitres peuvent suffire à causer la mort si on en boit. Le méthanol est aussi communément utilisé en laboratoire, souvent pour exactement les mêmes applications que l’éthanol, vu leurs propriétés physico-chimiques très semblables.
Très semblables, mais pas identiques. Notamment, leur température d’ébullition est différente (méthanol : 65 °C et éthanol : 78 °C). Le graphique qui suit illustre cette différence, en relation avec l’état (liquide ou gazeux) des substances.
Figure 1: Représentation graphique des températures d'ébullition du méthanol et de l'éthanol.

On remarque que le méthanol, qui bout à 65 °C, est liquide à des températures inférieures à 65 °C et gazeux (sous forme de vapeur) à des températures au-delà de 65 °C. L’éthanol, quant à lui, est liquide « plus longtemps », soit à des températures qui vont au-delà de la température d’ébullition du méthanol.

Ma question, si on la reformule en sachant ce qui précède, pourrait se lire ainsi :
« Puisque l’éthanol et le méthanol sont deux molécules très semblables, comment peut-on expliquer que l’éthanol reste liquide « plus longtemps », à des températures plus élevées, que le méthanol? »
Réponse à ma question : pourquoi l’éthanol et le méthanol ne bouillent-ils pas à la même température?
Voici l’explication. La différence réside dans la nature même des molécules qui constituent les substances. La température d’ébullition d’un liquide est directement attribuable à la forme et au type de molécules qui constituent le liquide. Si on ne connaissait pas la théorie atomique, si on ne croyait pas que la matière est composée de particules très petites et invisibles, on ne pourrait pas expliquer cette différence. 

Figure 2: Représentation de la molécule d'éthanol et de la molécule de méthanol (représentation spacefilling).

Sur la figure qui précède, on voit une représentation d’une molécule de chacune des substances. C’est une représentation, un modèle, qui se base sur de nombreuses observations de laboratoire, mais toutes indirectes : en effet, on ne peut pas voir les molécules, elles sont trop petites. Dans un échantillon de liquide, il y a une très grande quantité de molécules. C’est l’interaction des molécules entre elles qui influencent l’état de la substance (liquide ou gazeux). Si une substance est liquide, ses molécules sont relativement près les unes des autres, et s’attirent entre elles, un peu comme un ballon qu’on a frotté dans nos cheveux se colle sur un mur. Ces attractions sont de nature électrostatique : des charges électriques opposées s’attirent.

Tout dépendant de la force de ces attractions entre les molécules, une substance sera liquide ou gazeuse : si les attractions sont fortes, les molécules resteront collées, ce qui fait un liquide. Si les attractions sont faibles, les molécules ne resteront pas collées ensemble, elles vont s’éloigner et se répandre partout, comme dans le cas d’un gaz.
Quand on chauffe une substance, les molécules se mettent à s’agiter, à bondir et à danser de plus en plus vite à mesure que la température augmente. Ces trémoussements mettent à l’épreuve les attractions entre les molécules, qui peuvent finir par ne plus être assez fortes pour retenir ce paquet de petites énervées. Les molécules très remuantes vont alors parvenir à briser les liens qui les attachent aux autres : le liquide se transforme en gaz. C’est l’évaporation.

Alors, pourquoi l’éthanol bout à une température plus élevée que le méthanol? C’est à cause de la force des attractions entre ses molécules, qu’on appelle les liaisons intermoléculaires. Celles de l’éthanol sont plus intenses que celles que les molécules de méthanol réussissent à faire entre elles. Les molécules d’éthanol « tiennent » mieux ensemble, et ce, même si elles sont possédées par la danse de Saint-Guy… en tout cas, jusqu’à 78 °C! Au-delà de cette température, même les liaisons intermoléculaires de l’éthanol ne sont pas assez fortes pour le maintenir sous forme liquide.
Figure 3: Représentation de l'effet de l'augmentation de la température sur l'éthanol. Dans la première figure, l'éthanol liquide est composé de molécules très rapprochées les unes des autres. La figure du milieu montre que les liaisons qui retenaient les molécules entre elles sont brisées, l'éthanol est gazeux. La figure de droite montre que si la température augmente encore, le gaz prend plus de place: on dit qu'il prend de l'expansion.

Ces liaisons ont été étudiées pour tenter d’en faire un classement et comprendre pourquoi certaines étaient plus intenses que d’autres. Plusieurs facteurs affectent leur intensité. Un de ces facteurs est la grosseur des molécules. Plus les molécules sont grosses, plus elles tiennent bien ensemble. Elles ont plus de « pogne », plus de surface où s’agripper les unes aux autres. C’est exactement ce facteur qui explique la température d’ébullition différente entre l’éthanol et le méthanol : l’éthanol est composé de molécules plus grosses, qui parviennent donc à faire des liaisons intermoléculaires plus fortes entre elles. [Pour les savants : on parle ici de la différence d’intensité entre les forces de dispersion de London, l’une des catégories des forces de Van der Waals.]
Les résultats des élèves questionnés
Cette question a été répondue par 13 élèves de 2e année de cégep, du programme de sciences de la nature. Les résultats, après interprétation de ce que leur réponse (ouverte) donnait, sont présentés dans le tableau suivant.

La réponse attendue, qui invoquait explicitement les liaisons intermoléculaires, n’a été donnée que par 2 élèves. Deux autres élèves ont répondu que c’était la longueur de la chaîne de carbone (soit la grosseur de la molécule) qui expliquait la différence. Cette réponse ne peut pas être considérée comme tout à fait exacte, étant donné que cela n’explique pas pourquoi les molécules se tiennent mieux ensemble, ça ne donne que le critère qui permet de classer deux substances en fonction de leur température d’ébullition.
Quatre élèves (31%) ont dit que c’était parce qu’il y a plus de liaisons à briser DANS les molécules d’éthanol. Cette affirmation traduit  une conception alternative répandue : les élèves pensent que pour qu’un liquide s’évapore, les atomes doivent se séparer les uns des autres, les molécules se briser. Comme on le voyait à la figure 3 ci-haut, les molécules ne sont pas brisées lorsque la substance s’évapore. Ce sont simplement les liaisons ENTRE les molécules qui sont brisées.

Cette conception alternative est aussi observée quand je demande aux élèves de choisir quel schéma représente le plus adéquatement une vue submicroscopique de l’eau qui s’est évaporée. J’ai déjà discuté de cette question dans un billet précédent. Sensiblement la même proportion d’élèves et étudiants répondaient que les molécules d’eau se brisaient durant l’évaporation.

Ça me porte à réfléchir sur la compréhension que les élèves ont de la différence fondamentale entre les liaisons intramoléculaires et les liaisons intermoléculaires. Si les élèves les confondent, comment peuvent-ils ensuite comprendre les principes de solubilité ou de réactivité chimique, qui impliquent des forces entre des molécules de nature différente?
Enfin, sur une note plus cocasse, trois élèves ont opté pour un argument que je qualifierais de tautologique : l’éthanol et le méthanol ont des températures d’ébullition différentes parce que ce sont des composés différents. Ceeeerrrrtes… :P

mardi 8 février 2011

Questions d'ébullition

Vous trouverez certainement que je fais une fixation sur le concept de l'évaporation - et son collègue la température d'ébullition -, mais je trouve les réponses des élèves questionnés dans les derniers jours très révélatrices.

Voici deux questions que j'ai posées à des élèves de cégep en sciences de la nature. Voyez ce que vous pourriez répondre et comparez demain avec les résultats que j'ai recueillis!

Question 1
La température d’ébullition du méthanol (CH3OH) est de 64,7 °C.  Celle de l’éthanol (CH3CH2OH) est plus élevée, soit de 78,5 °C.  Pourquoi y a-t-il une différence entre les deux, et pourquoi la température d’ébullition de l’éthanol est-elle plus élevée?

Question 2
De l'eau laissée à température de la pièce finit par s'évaporer, même si la température est toujours inférieure à la température d'ébullition de l'eau. Quel énoncé parmi les suivants explique le mieux ce phénomène? Expliquez votre réponse.
a.       Les molécules d'eau finissent par se décomposer en oxygène et en hydrogène gazeux lorsqu'on leur laisse assez de temps.
b.      Les molécules d'eau ayant suffisamment d'énergie cinétique quittent la phase liquide.
c.       Les molécules d'eau sont entraînées en vapeur par les molécules d'air au-dessus de l'eau liquide.
d.      Les collisions entre les molécules d'eau et les parois du contenant donnent l'énergie suffisante à l'eau pour s'évaporer.

À demain pour les réponses!
PS: Bonus "tranche de vie": La première question m'a été inspirée par une publication sur un forum de chimie, qui m'avait à l'époque amenée à en faire une question de discussion en classe. La deuxième question m'a été inspirée par un échange de sms avec un de mes anciens élèves, maintenant étudiant à Sherbrooke. (non c'est pas toi Jérémie, c'est ton coloc)

image: http://coolingtower-design.com/2011/01/15/evaporation-2/

vendredi 28 janvier 2011

La montgolfière - résultats

(suite de l'avant-dernier billet)

Lorsque cette question était posée dans le cadre d'un examen d'une heure dans un cours de chimie générale à des étudiants universitaires (de chimie et de génie), la distribution était à peu près aléatoire entre les 5 choix de réponse.

Quand la même question était posée à des étudiants gradués, la distribution n'était plus aussi isotropique. Toutefois, un nombre significatif d'étudiants choisissaient chacun des choix de réponse:

A: 8 étudiants
B: 6 étudiants
C: 40 étudiants
D: 8 étudiants
E: 18 étudiants --> ce résultat très élevé est quand même étonnant, de la part d'étudiants gradués, non? Présence de conceptions alternatives, même chez les plus "éduqués"!

mardi 25 janvier 2011

Les lois des gaz, encore

Je me pose une vraie question - à laquelle je ne pense pas avoir de réponse - qui ferait peut-être un beau problème à traiter en APP (apprentissage par problème) en classe. Avis aux profs! Et si jamais vous avez une réponse, ou que vos élèves en trouvent une, écrivez-la dans un commentaire. Ça me rend perplexe, cette histoire...

Depuis deux jours, sur le sud du Québec (en particulier à Montréal), il fait drôlement froid. Hier matin, il faisait plus froid que -30 °C et avec le refroidissement éolien, on ressentait près de -40 °C. En arrivant à la station de métro, complètement gelée, j'ai eu toutes les misères du monde à ouvrir la porte de la station (une porte pivotante). Un grand coup de vent a failli arracher mon chapeau alors que j'entrais dans la station.

Je me suis demandé si ce vent très fort qui souffle dans les stations de métro parfois et qui rend la porte difficile à ouvrir n'était pas dû à la température très froide à l'extérieur.
Ce matin, comme il faisait toujours aussi froid, j'ai mis à l'épreuve mon hypothèse. Et j'ai observé le même phénomène. Bien sûr, il faudrait que je vérifie quand la température sera plus clémente à l'extérieur, mais ce n'est pas près d'arriver, selon MétéoMédia...! Mais si je me fie à mes souvenirs, généralement, la porte n'est pas si difficile à ouvrir... Et, généralement, il ne fait pas aussi froid... De là à faire de l'inférence, il n'y a qu'un pas, mais que je serais plus à l'aise de franchir si j'avais une explication de ce phénomène. 

Peut-être est-ce une question de pression, ou plutôt de différence de pression entre l'intérieur et l'extérieur de la station de métro? Mais cette question en amène d'autres: où y a-t-il la plus grande pression? Quel est l'effet de la température sur la pression (la pression atmosphérique n'est pas reliée à la température, il me semble...)?

Enfin, si vous avez des idées, ça me ferait plaisir d'entendre votre interprétation!

lundi 24 janvier 2011

Pour fêter le début de la session, les lois des gaz

Les cours commencent au cégep aujourd'hui. Comme je n'enseignerai pas cette session, je vais essayer de garder le contact avec mes collègues et amis du département par le biais d'une mise à jour plus régulière de mon blogue. Voici une résolution du Nouvel An qui, bien qu'elle soit un peu en retard, sera au moins plus pertinente que celle je je respecte religieusement depuis maintenant 24 jours... Ceux qui savent de quoi il s'agit sont perplexes et désolés de tant de superficialité de ma part. Je sais, je vous ai habitués à mieux (haha!).

Trève d'introductions, faisons de la SCIENCE!

Dans un article du Journal of Chemical Education publié en 1991, George Bodner a compilé quelques résultats d'étudiants universitaires en chimie. Voici un exemple de question qu'il leur posait - saurez-vous faire mieux?

Parmi les énoncés suivants, lequel explique le mieux pourquoi une montgolfière monte lorsque l'air qu'elle contient est chauffé?

(a) À mesure que la température du gaz augmente, l'énergie cinétique des molécules de gaz augmente, et les collisions entre celles-ci et et les parois du ballon le fait lever.

(b) À mesure que la température du gaz augmente, la pression du gaz augmente, poussant le ballon vers le haut. 

(c) À mesure que la température du gaz augmente, le gaz prend de l'expansion, une certaine quantité de gaz d'échappe du bas du ballon, et la diminution de la densité du gaz dans le ballon le fait lever.

(d)  À mesure que la température du gaz augmente, le volume du ballon augmente, provoquant la montée du ballon.
(e) À mesure que la température du gaz augmente, de l'air chaud monte à l'intérieur du ballon, et ceci fait lever le ballon. 

Bonne rentrée!