samedi 23 octobre 2010

Idées reçues sur les causes du cancer

Le célèbre Bruce Ames a écrit un article très intéressant, en 2002, sur les idées reçues sur les causes du cancer. À notre époque où les livres sur la prévention du cancer se multiplient, il est pertinent de revenir à la science pour éviter de se laisser enfirouâper par le premier charlatan venu. Voici un résumé des idées principales de l'article "Misconceptions About the Causes of Cancer", par Lois Gold, Bruce Ames etThomas Slone, tous trois de l'université Berkeley.

Idée reçue #1: Les taux de cancer montent en flèche.
En fait, ils diminuent systématiquement depuis les années 50, notamment à cause de la diminution du tabagisme.

Idée reçue #2: Les composés synthétiques dans l'environnement sont une cause importante de cancer chez l'humain.

Les composés synthétiques sont très peu abondants, en comparaison des vastes quantités de molécules entièrement naturelles qui nous entourent. Les études sur le potentiel cancérogène des composés, aux niveaux de concentration tels qu’on les retrouve dans l’environnement, sont souvent contradictoires, les corrélations établies sont faibles et elles mettent souvent de côtés les facteurs de confusion comme les habitudes de vie.

Idée reçue #3: Réduire la présence de résidus de pesticides est un moyen efficace de réduire les cancers reliés à l'alimentation.

Les pesticides permettent la culture des fruits et légumes, qui sont reconnus pour faire diminuer le risque de cancer. Ainsi, il faut utiliser des pesticides en agriculture. Et s’il en reste sur les fruits et légumes qu’on mange, l’effet bénéfique de l’aliment annulera l’éventuel effet nocif des résidus de pesticides.


Idée reçue #4: L'exposition humaine à des cancérogènes et autres composés dangereux est surtout due à des composés chimiques synthétiques.
La majorité des molécules potentiellement cancérogènes que nous absorbons sont produites naturellement comme système de défense par les fruits et légumes de notre alimentation. Et de toute façon, rien n’est plus naturel que la lumière du soleil, n’est-ce pas? Toutefois, ses rayons UV sont nettement plus cancérogènes que les petites quantités de produits synthétiques avec lesquelles on entre en contact chaque jour.

Idée reçue #5: Le risque de cancer chez les humains peut être établi par des expérimentations standards à haute dose chez les animaux.
Pour établir le potentiel cancérogène d’un produit chimique, on expose des animaux – le plus souvent, des rongeurs – à des concentrations extrêmement élevées de ce produit. Si on détecte ensuite des mutations chez le rongeur, on peut se demander si ces mutations se seraient produites si on avait mis des quantités raisonnables, comme celles auxquelles les humains sont exposés dans l’environnement.

Idée reçue #6: La toxicologie des produits chimiques synthétiques est différente de celle des produits naturels.
Ce n’est pas parce que les humains ont évolué en ayant autour d’eux des « produits naturels » que leur système de défense est plus efficace contre ces molécules que contre les molécules synthétiques, dont l’apparition est plus récente dans leur environnement. Les mécanismes biochimiques responsables de la défense du système contre un produit naturel ou un produit synthétique sont les mêmes. Ainsi, les produits naturels peuvent être aussi dommageables que les produits synthétiques.

Idée reçue #7: Les produits chimiques synthétiques posent de plus grands risques cancérogènes que les produits naturels.
Il y a plus de produits synthétiques que de produits naturels qui ont été identifiés comme cancérogènes, après expérimentation à haute dose chez les rongeurs. Ce n’est pas nécessairement parce qu’ils sont plus dangereux, c’est simplement parce que presque la totalité des tests de cancérogénicité ont été faits pour des produits synthétiques. Les produits naturels ont été laissés de côté, notamment à cause d’une idée répandue selon laquelle la Nature est gentille et pacifique.

Idée reçue #8: Les pesticides et autres produits chimiques synthétiques perturbent les hormones.
Certains pesticides ont uns structure moléculaire qui imite la structure d’hormones comme les estrogènes. À cause de cette ressemblance, on entend que les pesticides peuvent perturber les mécanismes contrôlés par les hormones chez l’humain, comme la numération des spermatozoïdes. Toutefois, l’exposition aux traces des résidus d’estrogènes organochlorés est minuscule en comparaison de l’apport normal des composés modifiant le système endocrinien naturellement présents dans les fruits.

Idée reçue #9: La réglementation des risques hypothétiques et faibles est efficace pour l'amélioration de la santé publique.

Les montants d’argent public consacrés à la réglementation des composés chimiques synthétiques pourraient être mieux investis en santé publique, afin de répondre à des risques plus sérieux pour la santé publique.

5 commentaires:

  1. Réponses :
    • 1 «Imaginons qu'une moindre utilisation des pesticides synthétiques soit imposée brutalement : alors, le prix des fruits et des légumes augmentera, et le nombre de cancers suivra probablement la même tendance ! »

    Réponse : Qui imposerait une brutale réduction de l’usage des pesticides synthétiques ? Les plans de réduction commencés en 1991 s’étalent jusqu’en 2018. Notons qu’un produit naturel n’est pas plus inoffensif qu’une molécule de synthèse.

    • 2 «les personnes à bas revenus, qui consomment déjà le moins de fruits et de légumes, en mangeraient encore moins »

    Réponse : Il reste à établir ce lien de cause à effet entre l’usage des pesticides et la consommation de légumes des populations au bas revenu. Celles-ci se satisfont de productions vivrières n’utilisant pas d’intrants.

    • 3 «Les taux de cancers sont en plein essor. Un simple calcul permet de battre en brèche cette assertion.»

    Réponse : L’évolution de la maladie reste préoccupante si l’on se réfère aux données publiées par l’Institut de Veille Sanitaire (INVS)
    L'incidence du cancer a doublé entre 1980 et 2005, mais le risque de mortalité a diminué de 25% et cette tendance doit être modulée en fonction des paramètres observés : incidence, mortalité, localisation….


    • 4 Les résidus de pesticides synthétiques dans les plantes utilisées pour l'alimentation sont en quantité insignifiante (un Américain ingère entre 5 000 et 10 000 pesticides naturels différents. Il en consomme environ 1,5 milligramme par jour, soit à peu près 10 000 fois sa dose quotidienne de résidus de pesticides synthétiques.

    Réponse : Il y a de quoi faire peur !
    La résistance des plantes utilisées pour l’alimentation peut être chimique par la présence de composés phénoliques, soufrés, lactones, saponines, huiles. Il ne s’agit en aucun cas de pesticides.
    L’homme a depuis longtemps su reconnaître les plantes toxiques. Évoquer l’origine « naturelle » pour vanter ou disqualifier une molécule me semble simpliste, dans un article se positionnant en tant que crible de la science !

    • Des fruits et des légumes 5 fois par jour, peut-on les consommer sans crainte ? 
Les légumes ne sont pas cause de cancers. Mais il y a lieu de se préoccuper des pesticides qu'ils peuvent véhiculer. 
Un organisme en bonne santé saura réagir sauf sʼil est fragile ou trop sollicité (fœtus, enfant, vieillard, malade).

    • 5 «Du point de vue toxicologique l'exposition moyenne aux polluants synthétiques, qui est minime, constitue rarement un risque plausible, notamment en comparaison des produits chimiques naturels dont les effets cancérogènes.»

    Réponse : l’ATSDR et l’EPA, ont classé par ordre de dangerosité les substances représentant une menace pour la santé de l’homme à partir de trois paramètres :
    - la fréquence de la molécule dans l’environnement,
    - la toxicité,
    - le risque potentiel d’exposition.
    On compte 38 pesticides parmi les 50 premiers produits cités.

    • 6 «Plusieurs substances naturelles peuvent être rendues responsables de cancers selon l’indice de Herp joint à l’article cité en référence.»

    Réponse : L’indice de Herp, traite sur le même plan des molécules pures (aflatoxines et DDT) parfois adsorbées ou inhalées et le jus d’orange, la pomme le café, absorbés per os puis digérés.
    Peut-on proposer le choix entre une pomme un jus d’orange ou 13 micro grammes de DDT ?

    •7 réduire l'exposition humaine aux produits chimiques synthétiques cancérogènes pour les rongeurs est coûteux. Ces efforts nous distraient d'une tâche autrement plus importante …

    Réponse : Il ne s’agit pas d’une affaire de «concentration» mais des effets délétères que l’on cherche à éliminer…. il faut aussi différencier les objectifs de santé du chiffre d’affaires des industries concernées.

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  3. Mes réponses longues (dépassant 4400 caractères), ont été par trois fois refusées. Elles sont pourtant publiées toutes trois !

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  4. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  5. Quelle démarche permet de tolérer des « résidus » dans nos assiettes ?
    
Ce sont le plus souvent les estimations épidémiologiques qui attirent l’attention des chercheurs sur les causes suspectées de cancers.

    Ces études ne constituent qu’une étape qui doit être validée par les biologistes dont la mission revient à expliquer le mécanisme de cancérisation.
    Ces derniers incriminent des molécules dont les effets délétères impliquent des relations de dose, de fréquence et de répétitions. Ces données constituent un outil permettant de calculer la prise de risque à sa valeur minimale, durant la vie du consommateur lambda.
    C’est ainsi que sont définies les Limites Maximales de Résidus (LMR)tolérées dans l’alimentation.

    
Exemple de démarche épidémiologique aux conclusions discutables…
    
à propos du cancer de la prostate
    
Une étude, publiée dans la revue “International Journal of Oncology”, montre un lien possible entre l’exposition à certains pesticides et le cancer de la prostate aux Antilles. Les courbes des cancers de la prostate divergent entre la métropole et les Antilles.
    
Selon l’Institut National de Veille Sanitaire :

    ‹‹ la plus grande fréquence du cancer de la prostate en Martinique pourrait être due à l’origine ethnique de la population ››.
    
Cette explication ne tient pas, ce qui est confirmé par les taux de cancer de la prostate relevés en Nouvelle-Calédonie. Car leur incidence y est prédominante chez les sujets d’origine métropolitaine...
    
Notons qu’une cause pathologique non environnementale (héritée) ne se maintient dans une population qu’à la faveur de circonstances "exceptionnelles".

    En effet, les facteurs génétiques non favorables sont en principe éliminés naturellement au fil des générations.
Il est parfois aisé de confondre les causes environnementales avec des postures comportementales culpabilisantes.

    
Quelle est la cause des cancers ?
    
Le processus de cancérisation doit suivre un «protocole» correspondant à la levée des contrôles cellulaires portant sur plusieurs gènes. Il faut donc du temps pour que les cellules cumulent ces mutations.
    L’âge est un facteur prédisposant, mais ce n’est pas une cause. Les facteurs dits comportementaux culpabilisants (obésité, sédentarité) ne sont pas des causes, mais des postures propices à la mise en relation avec une cause.
    
Quelles sont-elles ?
    
On sait que plus de 80 % des cancers ont une source non génétique, c'est-à-dire qu’ils sont occasionnés par des facteurs environnementaux. La cause chimique la première qui fut évoquée, reste difficile à mettre en évidence (à l’exception du tabac).

    
- Katsusaburo en 1915 testant le goudron sur 137 lapins dut attendre 1 an pour constater que 7 d’entre eux avaient développé une tumeur.

    
- Bruce Ames a mis au point un test qui permet de définir une substance mutagène...

    
- Robert Bellé en 2007 utilise un modèle sur les gamètes d’oursin qui permet de tester la toxicité à très faible dose et à long terme d’une molécule, c'est-à-dire sa toxicité chronique.

    
La dose ne fait pas le poison
    
La notion de Valeur Toxicologique de Référence (VTR)
    est une notion comparable à la LMR avec une approche rejetant la notion de seuil pour les produits potentiellement cancérigènes ou mutagènes. Il est admis que ces molécules et quelque soit la dose, peuvent induire un cancer ou un dérèglement irréversible de la multiplication cellulaire. C'est ainsi qu'en Belgique la LMR est fixée à zéro pour tout aliment destiné aux enfants.
    
La notion de LMR (limite de résidus dans l'assiette)

    C’est une notion pernicieuse, quand elle se réfère à des seuils que l'on fixe arbitrairement, sans tenir compte du contexte culturel, social, environnemental.
    Les habitudes alimentaires peuvent varier d'un facteur de 1 à 10 et davantage, par exemple pour la consommation du riz. Les nourrissons, enfants et femmes enceintes présentent un risque accru avec des conséquences parfois irréversibles...

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